
Mise en scène
JÉRÔME SAVARY
Décor
MICHEL LEBOIS
Costumes
DANIELLA VERDENELLI
Lumière
ALAIN POISSON
Musique
FRANCISCO OROZCO
Chorégraphie
ANNE BERGER
avec
YANN BABILÉE
OLIVIER CAPELIER
GILLES COULET
JEAN MICHEL DELIERS
NATALIA DONTCHEVA
MARIE LAURE DOUGNAC
JEAN CLAUDE FERNANDEZ
ROBERT GUILMARD
MAXIME LOMBARD
MARTINE MONTGERMONT
FRANCISCO OROZCO
VINCENT OZANON
HERVÉ PAUCHON
MICHEL ROBIN
ALAIN TRÉTOUT
DENIS ZAIDMAN
Création : le 11 avril 1992 au Théâtre National de Chaillot.
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Des
ambiguïtés du désir
Le jeu des travestis, de l'amour et des illusions
se poursuit jusqu'à la fin. Shakespeare, qui devait se régaler de ces
jongleries du désir, d'autant plus vertigineuses qu’à son époque les femmes
étaient jouées par des hommes, a multiplié ici plus qu'ailleurs les délicieux
imbroglios, mais n'a pas négligé pour autant les personnages hauts en
couleur, intendant amoureux à la triste figure, oncle buveur et paillard,
bouffon grinçant, soubrette à la cuisse légère et à l’esprit alerte. Et l’on
devine que Jérôme Savary, à son tour, s'ébroue à l’aise dans cette
foisonnante comédie humaine en forme de conte souriant…
Il s’en
donne à cœur joie, notamment dans les anachronismes (Orsino et Cesario, Viola
se déplacent à vélo, les courtisans du premier se vêtent en valets Louis XV,
perruqués de blanc pour le distraire, l’un des ridicules prétendants d'Olivia
trimbale canne de golf et raquette de tennis) et la clownerie burlesque (le
sang gicle dans les duels, les personnages s'étalent dans l’eau). Et, s'il
dérape, le temps d'une scène-ballet, […] pour la plus grande joie sans doute
des spectateurs, a dénuder entièrement la (ravissante) Olivia, il sait aussi, jouer joliment la
tendresse et l'exquise émotion du désir qui court tout au long de la pièce.
Dans un décor plutôt sobre de hauts rochers ocres, sa
distribution est, il faut dire, homogène et équilibrée. Les bouffons sont
drôles (notamment le fidèle Maxime Lombard), les jeunes vierges altières,
tendres et belles, les musiciens habiles, la soubrette accorte. Mais on a
surtout envie de saluer Michel Robin, pour la première fois embarqué dans la
folle galère de Savary sous le pourpoint d'abord sévère, puis jaune canari et
fou, du sinistre Malvolio, que de vilains farceurs persuadent avoir su
toucher le cœur de l’inapprochable Olivia. Touchant clown en jarretières
croisées que l‘on prend pour un fou et que l’on exorcise bruyamment avec des
chapelets de têtes d'ail, Michel Robin, une fois de plus , fait exploser
l’humanité d'un personnage à la fois grotesque, odieux et terriblement
attendrissant.
Annie Coppermann
Une fête de
l’esprit
On retrouve Jérôme Savary et son sens de la
magie du théâtre, on retrouve Jérôme Savary et son goût enfantin et doux des
surprises, on retrouve Jérôme Savary, grand metteur en scène capable d'allier
le plus grand spectacle à la finesse des analyses, les images somptueuses à
une direction d'acteurs fine et sensible. Et l'on est heureux.
Tout ici
est enchantement, […] mais la force du spectacle, d'une fluidité et d'une
vivacité remarquables, est encore ailleurs : elle est dans la
construction très solide d'une distribution idéale, et elle est dans un
travail de détail qui nous rappellent, et on en est heureux, combien Jérôme
Savary est un esprit sensible, un grand metteur en scène.
Distribution forte et particulièrement bien
équilibrée : tout est question de «correspondances», ici. « La Nuit
des rois » est comédie du travestissement, des corps et des pensées, comédie
troublante presque perverse, souvent désenchantée, et pourtant toujours
drôle. Jérôme Savary la comprend intimement et la fait jouer avec un tact
magnifique : s'il ne renonce pas aux facéties qu'appelle Shakespeare, il
les maîtrise. Tout est grâce et profondeur, intelligence du texte. […] Un
grand spectacle, intelligent et maîtrisé, divertissant et profond. Un grand
Savary.
Armelle Hélio
Shakespeare
façon Halloween
Si le titre français est La Nuit des rois, celui
anglais est The Twelfth Night c'est-à-dire « la douzième nuit »
après Noël, celle de l'Épiphanie, d'Halloween comme des fêtes païennes
héritées des saturnales dans l'inversion des conditions et des sexes.
C'est bien sous ce signe que Jérôme Savary présente
cette comédie charnière de Shakespeare écrite juste après Hamlet, où
chacun trompe l'autre, quitte à se tromper lui-même, pris dans les rêts d'une
intrigue complexe à souhait.
[…] Jeux de
masques et de dupes, quiproquos et confusion des esprits et des sens,
gémellité et homosexualité latente, fête des fous et hédonisme de bon aloi...
Explorant joyeusement toutes les pistes offertes, la mise en scène de Jérôme
Savary fait flèche de tout bois, alternant scène de tendresse et séquences
d'une cocasserie inénarrable - depuis l'apparition de l'intendant Malvolio
en bas jaunes ou bousculé par le carnaval infernal qui assiège son cachot...
jusqu'au duel impossible à grand renfort de gags et d'hémoglobine qui oppose
la fille travestie à un chevalier couard et idiot... en passant par son
ballon s'élevant doucement dans les airs marqué du nom de l'aimée... avant
d'éclater au contact des cintres. […]
Savary joue le grand jeu des
images et des trouvailles, tout en grands effets, en coups de tonnerre et
d'orage, en ris et danceries gaillardes sous le regard des mouettes muettes
au-dessus du plan d'eau.
Didier Méreuze
[…] Jérôme Savary met en scène une comédie de
Shakespeare, folle et ambiguë, La Nuit des rois. Dans la grande salle
de Chaillot tendues de voiles, transformée en navire, c'est la sarabande des
clowns et des ivrognes. Un vrai bonheur. Le texte est sublime, la musique
légère et raffinée.
Jean Claude Brialy
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